PUB SUR MESURE

Parution : 293
2012-09-01 - Les médias locaux traditionnels ont du mouron à se faire ! Depuis le printemps, Weborama présente une offre de publicité sur Internet à la fois comportementale et géolocalisée. Une première. L'agence a entrepris de croiser sa base de données de profils d'internautes, construite en traçant leur navigation sur le Web, avec la base d'adresses IP. Elle peut ainsi ne viser que les individus habitant dans un rayon de chalandise de 5 à 30 km des enseignes, en y ajoutant des critères comportementaux. « Une évolution réclamée par le marché », remarque Laurence Bonicalzi Bridier, directrice associée. Carrefour Drive et Bricomarché l'ont déjà adoptée.

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LE GRAPHIQUE DU MOIS

Parution : 293
2012-09-01 - La perte du sacro-saint triple A n'y aura rien fait : jamais l'Etat français n'aura emprunté à si bon compte. Mi-août, le taux de l'OAT à dix ans tutoyait le plancher des 2%. Sur les échéances très courtes, les taux d'intérêt réels étaient même légèrement négatifs. Une bouffée d'oxygène pour le budget de l'Etat. Malgré une hausse massive des émissions nouvelles, la charge de la dette devrait ainsi rester stable cette année, comparé à 2011, à environ 47 milliards d'euros. Combien de temps cet état de grâce va-t-il perdurer ? Ou plus exactement, combien de temps les investisseurs accepteront-ils des rendements aussi faibles ? Le Trésor anticipe déjà une hausse des taux.

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TOUCHEZ MA BOTTE, MONSEIGNEUR

Parution : 293
2012-09-01 - Une « boutique sensorielle » pour faire redécouvrir le plaisir du contact avec la peau de mouton : c'est le moyen inventé par la filiale française de cette marque américaine de bottes et Publicis pour se relancer. UGG veut se démarquer des contrefaçons qui utilisent une matière première médiocre. Son Experience Store, installé rue des Halles, à Paris, du 11 octobre à la fin janvier, proposera des expériences tactiles dans le noir, filmées en infrarouge et postées sur les réseaux sociaux. Un buzz opportun au moment de l'ouverture, le 1er novembre dans le Marais, du premier magasin en propre.

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CROWDSOURCING : VIVE LES MASSES LABORIEUSES !

Parution : 293
2012-09-01 - Jeff Howe, un des éditeurs de , révèle ici un des changements majeurs accompagnant l'essor d'Internet : le . C'est l'idée qu'on peut transformer les millions d'internautes en autant de contributeurs potentiels, à même de porter collectivement des projets jusque-là réservés aux seules entreprises capables de rémunérer des experts ou des équipes de spécialistes. Car le crowdsourcing permet de susciter des solutions émanant d'amateurs ou de spécialistes bénévoles travaillant pendant leur temps libre, tout autant que des contributions de PME ou d'experts initialement inconnus. Popularisé par les projets , le crowdsourcing s'est rapidement étendu à de nombreux domaines : les contenus culturels, l'entrepreneuriat et le financement, les services aux entreprises. Désormais, il touche les industries les plus installées (cosmétique, pharmacie) et des champs d'application inattendus, comme la recherche scientifique participative. A l'aide de nombreux cas éclairants, Jeff Howe établit ce qu'il appelle la force de la sagesse de la foule. Il analyse aussi les nombreuses manières dont ces foules peuvent être mobilisées : par le crowdsourcing proprement dit, ou par le , le , le , le microtravail ou les concours. La force d'une masse de contributeurs tient à la variété d'intelligence et de créativité qu'ils offrent, bien plus grande que celle d'un nombre défini d'individus ou de firmes spécialisées. Mais Jeff Howe nous montre que la foule n'est pas seulement talentueuse et créative, elle est aussi incroyablement productive. Il s'agit d'une méritocratie parfaite, où l'âge, le sexe, la race, ou le CV comptent moins que la qualité des réponses proposées. Par sa force, le crowdsourcing a ainsi déclenché des changements radicaux dans l'organisation du travail, l'utilisation du talent, la recherche, la fabrication et la vente des produits. Mais en supplantant les formes traditionnelles de travail, il suscite des crises : déstructuration de secteurs d'activité - celui des agences photo face à des sites comme Fotolia ou iStockphoto, par exemple - et déflation des salaires, via les faibles rémunérations payées aux contributeurs. Si de nombreux travaux soulignent l'importance des entrepreneurs et des équipes pour la performance des firmes, Jeff Howe démontre le pouvoir des communautés. Il occulte, cependant, le coût non négligeable de l'organisation du crowdsourcing pour une entreprise : fidéliser les contributeurs, formaliser les questions posées, recueillir et sélectionner les contributions, contrôler leur qualité, enfin les appliquer. Il ne se demande pas plus si la foule a le pouvoir de soutenir, dans la durée, la production d'une offre variée, notamment dans des secteurs pointus où le nombre des contributeurs est restreint. Ce faisant, l'ouvrage touche une faiblesse des théories actuelles du management qui peinent à articuler l' avec une gestion volontariste de la conception. * Directeur de recherche au CNRS, il dirige le pôle de recherche en économie et gestion à Polytechnique (chaire Orange Innovation et régulation des services numériques).

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L'ILLUSION DU LEADERSHIP

Parution : 293
2012-09-01 - Trente ans de recherches et de formations n'y ont rien fait : jamais les citoyens et les salariés américains n'ont aussi peu fait confiance à leurs dirigeants politiques et patronaux. C'est le constat atterré de Barbara Kellerman, spécialiste du leadership à Harvard. En cause : sa propre profession. Le (bon) leadership reste un mystère et les indicateurs fiables de l'efficacité des formations manquent.

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L'AMÉRIQUE, LA FINANCE ET LES CONSOMMATEURS

Parution : 293
2012-09-01 - Pas encore complètement monté en puissance et déjà enterré ? Le fameux bureau de protection financière des consommateurs - Consumer Financial Protection Bureau - qui devait être, avec la Volcker Rule, l'autre pilier de la loi Dodd-Frank de régulation financière, pourrait devenir une victime collatérale de l'élection présidentielle américaine. « Le financement, le contrôle, voire l'existence même du Bureau vont se jouer lors du scrutin du 6 novembre », prédit Ann Graham, professeur de droit à la Hamline University de Saint Paul (Minnesota). Mitt Romney, le candidat républicain opposé à Barack Obama, veut la peau de cette superagence entrée en fonction en juillet 2011, indépendante du Congrès et financée par la Réserve fédérale. En parfait écho aux critiques de Wall Street, il la dépeint comme « l'administration la plus influente de l'histoire de notre nation, qui n'a à rendre compte de ses actes à personne, et a, à sa tête, un bureaucrate qui exerce sans contrôle un pouvoir sans précédent sur l'économie ! » Malgré sa courte existence, le CFPB s'est fait beaucoup d'ennemis à force de s'attaquer aux sujets qui fâchent, dans l'espoir d'éviter un remake de la crise de 2008. Dans son collimateur : les crédits immobiliers et les prêts étudiants peu transparents, les établissements coupables de discrimination à l'emprunt, ceux qui manipulent les taux, imposent des pénalités abusives en cas de retard de paiement ou trichent sur les capacités de remboursement des emprunteurs. L'opposition que suscite le Bureau est à la mesure de son pouvoir, si étendu que certains milieux conservateurs vont jusqu'à en nier la constitutionnalité. Le CFBP a récupéré les prérogatives qu'exerçaient jusque-là sept agences fédérales en charge de la protection du consommateur. Le législateur lui a confié un vaste mandat pour encadrer à la fois les établissements de dépôts (banques, caisses d'épargne et unions de crédit) totalisant plus de 10 milliards de dollars d'actifs ; d'autres plus modestes qui proposent des prêts immobiliers, des prêts sur salaires ou des prêts étudiants ; et les grandes institutions dont la faillite aurait des répercussions sur tout le système. Depuis juillet, il supervise aussi 30 agences d'évaluation de crédit chargées de collecter les informations financières sur les consommateurs et qui exerçaient jusqu'alors leur activité sans contrôle - on estime à 25% le nombre d'évaluations erronées susceptibles d'empêcher les consommateurs d'obtenir un crédit. Pour Barack Obama, la vocation du CFPB est d'« assister les classes moyennes et les 40 millions de seniors qui n'ont pas les moyens de se payer les services d'avocats » pour faire valoir leurs droits. En janvier, le chef de l'Etat a bravé l'opposition républicaine en imposant Richard Cordray à la tête de l'institution. Un choix tout sauf innocent : cet ancien Attorney General de l'Ohio s'est rendu célèbre en défendant les consommateurs de son Etat contre AIG, Bank of America ou le géant du refinan cement hypothécaire, Fannie Mae. Aujourd'hui, les 889 employés (économistes, juristes, experts financiers) ont quatre missions : simplifier et clarifier les offres existantes de prêts en tous genres, traiter les plaintes des clients s'estimant trompés par les institutions financières - 55 000 ont été reçues durant les onze premiers mois, dont 43% avaient trait à des problèmes de prêts immobiliers et 34% relevaient des cartes de crédit -, proposer un arsenal de nouvelles règles plus protectrices du public et, enfin, éduquer l'opinion. Leur devise : - en substance, renseignez-vous avant de vous engager. Pour guider les consommateurs, le Bureau a entrepris, en juin, de mettre en ligne la liste des établissements recevant le plus de plaintes de clients et la nature des litiges. A chacun de se faire une idée ! Au moment où 700 000 Américains sont impliqués dans des procédures de saisie, cette mission de service public est tellement cruciale que peu de républicains osent réclamer le démantèlement de la superagence. Mais ils rivalisent de propo sitions pour l'affaiblir : transférer une partie de ses compétences à des organes contrôlés par le Congrès, soumettre ses crédits au contrôle des élus, confier la nomination de son patron à une commission bipartisane, etc. Mitt Romney est d'autant plus à l'écoute du lobby bancaire que celui-ci, très déçu par Obama, lui ouvre son portefeuille. A la fin août, la finance, l'assurance et l'immobilier avaient donné 38 millions de dollars à la campagne des républicains contre 12,5 millions à celle des démocrates, selon l'institut indépendant OpenSecrets.

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Le solide appétit du bavarois Müller

Parution : 293
2012-09-01 - Peu connu du consommateur français, Müller est pourtant devenu en quinze ans un géant européen du lait et de ses dérivés (yaourt, beurre, poudre de lait, etc.), fort de 3,3 milliards d'euros de chiffre d'affaires, capable de rivaliser avec les Danone et autres Lactalis. Dans un marché national dominé par les marques de distributeurs, le groupe bavarois a réussi à imposer son label tout en fabriquant aussi pour la grande distribution. Exportateur vers l'Italie, l'Espagne, les Pays-Bas, l'Europe de l'Est, essentiellement à partir du mégasite de Leppersdorf racheté en 1993 dans l'ex-RDA, Müller s'est aussi implanté localement quand il le fallait. « Originale par rapport à ses concurrents allemands qui privilégient l'exportation, cette démarche a rencontré un succès spectaculaire en Grande-Bretagne, explique Benoît Rouyer, économiste au Centre national interprofessionnel de l'économie laitière. Dans ce pays à la fibre volontiers patriotique, le groupe a construit une usine dès les années 90. Et il a révolutionné le marché du yaourt britannique avec le Müller Corner, concept innovant d'emballage à compartiments, le nappage d'un côté, le yaourt nature de l'autre, prêts à être mélangés. » Aujourd'hui, Müller fait partie des marques vedettes outre-Manche, quand le groupe Danone, qui ne produit toujours pas sur place, est à la peine. Depuis, Müller a également racheté une laiterie en République tchèque ! Et son expansion est loin d'être terminée, même si son propriétaire Theo Müller, qui cultive le goût du secret comme les Besnier de Lactalis, se refuse à tout commentaire. Les faits sont là. En quelques mois, l'entreprise plus que centenaire a réalisé deux opérations signi ficatives à l'international. D'abord, en octobre 2011, un accord de joint-venture avec PepsiCo dans le yaourt pour partir à la conquête des Etats-Unis. Il s'agit de profiter de l'appétit croissant des Américains pour une alimentation saine qu'incarne parfaitement le yaourt, grec de préférence car plus riche en protéines (voir encadré). Avec une consommation annuelle par habitant de seulement 6 kg, les Etats-Unis sont très en retard par rapport à l'Europe, où Français, Allemands ou Néerlandais en mangent plus de 30 kg ! Müller apporte son savoir-faire industriel et ses produits haut de gamme au nouveau venu dans le yaourt qu'est PepsiCo - celui-ci a racheté l'an dernier le russe Wimm-Bill-Dann pour rééquilibrer son porte feuille vers des produits jugés plus sains que les sodas. Et l'américain fournit sa force de frappe commerciale pour gagner la bataille du marketing vis-à-vis des géants Yoplait (groupe General Mills) et Danone implantés de longue date. Depuis juillet, sa filiale Quaker Oats, spécialisée dans les céréales du petit-déjeuner, commercialise sur la côte Est les Müller Corner classiques, des yaourts grecs et des Müller FrütUp nappés de mousse de fruits. Avec une capacité annuelle de 5 milliards de pots par an et 180 personnes à partir de 2013, l'usine de Batavia dans l'Etat de New York sera l'un des plus grands sites du secteur, promet Pepsico. « Cette alliance rappelle celle de Lactalis et de Nestlé en Europe dans les yaourts », commente Jean-Daniel Pick du cabinet OC&C Strategy Consultants. Le poids moyen qu'est Müller a fait le bon choix pour s'implanter sur le marché américain. Mais comment évoluera cet accord ? Jean-Daniel Pick s'interroge : « PepsiCo, qui a pour habitude d'être maître chez lui, pourrait être tenté de reprendre tôt ou tard le contrôle de l'affaire, en ayant prévu des systèmes d'options d'achat et de vente pour l'activité américaine, voire en visant la possibilité de bénéficier d'un droit d'acquisition préférentiel dans le cas d'une cession de l'activité européenne. » L'heure est aussi à la croissance en Grande-Bretagne, premier marché européen de Müller en dehors de l'Allemagne. En février 2012, il a racheté Robert Wiseman Dairies, l'une des trois principales laiteries britanniques, pour 279,5 millions de livres (349 millions d'euros). Objectif : élargir sa gamme et peser davantage vis-à-vis de la grande distribution. Et selon la rumeur, le bavarois pourrait reprendre l'usine de yaourts de Telford à l'autrichien Nöm, en difficulté. Pour Dirk Lenders de , le magazine allemand de référence dans l'agroalimentaire, « ces transactions marquent une véritable accélération dans l'internationalisation du groupe ». Il y voit la patte d'Heiner Kamps, nommé à la direction générale en 2011. Ce self-made-man a fait fortune en bâtissant l'une des principales chaînes de boulangerie du pays (Kamps), qu'il a revendue au groupe italien Barilla au début des années 2000. Avec le soutien financier - initialement à titre privé - de Theo Müller, il a depuis réinvesti dans des industries très atomisées comme les salades fraîches, les condiments (Homann, Nadler, Hamker, etc.) et autres produits d'épicerie fine, mais également dans Nordsee, la chaîne de restauration rapide des produits de la mer. Son idée : jouer un rôle de consolidateur. L'ensemble de ces sociétés est aujourd'hui regroupé dans l'entité HK Food, dont Theo Müller est devenu l'actionnaire majoritaire depuis 2011. Ces activités en pleine restructuration peuvent constituer des relais de croissance alors que, dans son métier historique du lait en Allemagne, le groupe a désormais du mal à se développer par acquisition sans se heurter à des problèmes de concurrence. De plus, Müller subit la pression de la grande distribution qui ne le juge plus assez innovant. Heiner Kamps a la double tâche de rapprocher le pôle HK Food et le lait, qui constitue encore les deux tiers du chiffre d'affaires, 30% des effectifs et l'essentiel du cash-flow, tout en poussant les feux à l'étranger pour l'ensemble des activités. La stratégie adoptée par le groupe allemand diffère de celle de ses principaux concurrents français : Lactalis se concentre uniquement sur le lait et ses dérivés (poudre de lait, laits infantiles, fromages, etc.), alors que Danone s'est largement recentré sur l'alimentation saine - yaourt, eau minérale, aliments pour bébé et depuis peu la nutrition médicale - en quittant progressivement la bière, les biscuits, etc. Un modèle atypique qui, pour l'heure, semble réussir à la troisième génération des Müller.

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1er AOÛT QUITTANCES SOUS CONTRÔLE

Parution : 293
2012-09-01 - Promesse de campagne tenue avec des pincettes : le décret, préparé par la ministre du Logement, Cécile Duflot, et publié le 21 juillet au encadre la relocation et les renouvellements de baux dans 38 agglomérations, dont Paris, Lyon, Marseille et Nice, mais aussi des villes où les loyers flambent. Les propriétaires ne pourront appliquer de hausse supérieure à celle de l'indice de référence des loyers. Sauf en cas de travaux importants ou de loyer précédent sous-évalué. Temporaire, cet encadrement s'applique aux changements de locataires jusqu'au 21 juillet 2013.

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RETROUVER LE BON USAGE DU MARCHÉ

Parution : 293
2012-09-01 - Décidément, les marchés ne tournent pas rond. Le scandale du Libor l'a confirmé cet été. Les plus grands banquiers de la plus grande place financière trichaient avec le prix de leur matière première ! Il faut reconnaître que la mécanique du Libor, le taux d'intérêt censé refléter le prix auquel se prêtent les grandes banques de la City, est assez particulière. Des établissements réputés transmettent chaque jour leur estimation à l'Association des banquiers britanniques, qui publie une moyenne à 11 heures. Autrement dit, ce chiffre crucial pour les marchés financiers, référence dans des milliers de contrats, ne vient pas des marchés eux-mêmes mais de grandes maisons qui ont des intérêts à préserver. Et il semble bien que certaines d'entre elles s'accordaient parfois afin de fixer un niveau qui les arrangeait - pour masquer des faiblesses passagères dans leurs comptes, voire pour faire des plus-values. Pour mettre fin à ce scandale, la solution est simple, au moins sur le papier : il faut... davantage de marché. Le Libor devrait refléter les transactions effectives, et non quelques déclarations manipulables et manipulées. Seulement voilà, le marché interbancaire ne ressemble pas au « vrai » marché des économistes. Il peut parfois geler, comme c'est souvent le cas ces derniers temps. Et les prix ne dépendent pas seulement de l'offre et de la demande, mais aussi de l'idée que chacun se fait de la santé de l'autre. A vrai dire, ces particularités dépassent largement les échanges inter bancaires. Les marchés ne ressemblent pas du tout au marché que l'on enseigne en économie. Et pour sortir de la crise actuelle, il faudra accepter cette réalité et en tirer les conséquences. Développer le marché là où il est utile ; s'en passer là où il est néfaste. Dégagé de ses oripeaux idéologiques, le marché est un outil qui ajuste l'offre et la demande d'un bien par un prix. Quand le prix monte, les acheteurs deviennent moins nombreux, à l'inverse des vendeurs. Se forme ainsi un prix d'équilibre. Le mécanisme fonctionne au mieux quand il y a une foule de petits acheteurs et de petits vendeurs (hypothèse d'atomicité) s'échangeant des produits identiques (homogénéité) en parfaite connaissance de cause (transparence). Cet instrument est d'une redoutable efficacité dans des sociétés modernes complexes. Les pays qui ont essayé de s'en passer ont échoué. Mais comme le marteau dans la boîte à outils, ce n'est qu'un instrument parmi d'autres qui peut faire très mal s'il n'est pas utilisé à bon escient. En amont, il suppose un cadre légal solide pour fonctionner. En aval, il exerce des effets sociaux qui peuvent être jugés indésirables et qui doivent alors être corrigés. Le problème c'est que le marché est le plus développé... là où il fonctionne le plus mal : dans la finance. C'est d'autant plus paradoxal que dans le langage courant, « les marchés » en sont devenus synonymes. L'économiste André Orléan explique le vice fondamental des marchés financiers (1) : « La hausse des prix, loin de déprimer la demande, la favorise et l'intensifie. Autrement dit, elle se nourrit elle-même et s'auto-entretient. » A l'inverse du marché aux oignons de Brive-la-Gaillarde immortalisé par Georges Brassens, le marché aux actions, ou aux devises, ou aux obligations, n'a rien d'un mécanisme stabilisateur. Quand une action s'envole en Bourse, tout le monde veut en acheter. C'est ainsi que se forment les bulles. Le marché est ici un moteur à explosions, des explosions aux effets dévastateurs. Une étrange convergence est d'ailleurs en cours. D'un côté, des idéologues d'extrême-gauche théorisent la fermeture des marchés financiers. De l'autre côté, des praticiens de la finance, aux idées souvent solidement ancrées à droite, dénoncent les effets négatifs de la Bourse. C'est le cas de l'industrie du , où des financiers retirent des entreprises de la cote pour les restructurer au calme. Le malaise va au-delà. Les interrogations sur l'utilité profonde des marchés boursiers, devenus incapables de financer des entreprises, deviennent lancinantes. Les marchés obligataires, où se négocient notamment les titres de dette publique, sont eux aussi critiqués. Un jour ou l'autre, il faudra se demander sérieusement où et comment le marché peut être efficace dans la finance. Les excès du marché se retrouvent dans d'autres secteurs, pour d'autres raisons. La volonté souvent idéologique d'imposer « la loi du marché » peut déboucher sur des situations ubuesques, comme celles parfois provoquées par l'obligation faite aux collectivités publiques de généraliser les appels d'offres pour leurs achats. Plus fondamentalement, le marché est un outil qui fonctionne mal pour le travail, la terre et la monnaie - l'économiste hongrois Karl Polanyi avait dénoncé les effets néfastes de leur marchandisation dès les années 40. Mais si le marché est souvent employé là où il marche mal, il n'est pas assez présent là où il pourrait être précieux. Ainsi, le marché est un outil assez efficace pour faire... des prévisions. Pas sur la météo ou l'âge du capitaine, mais sur les évolutions politiques, économiques et sociales. C'est ce que les experts appellent les « marchés prédictifs », ceux où l'on mise de l'argent sur un événement, comme le résultat d'une élection, le nombre de chômeurs le mois prochain ou le score d'un match de foot. « Ils incorporent rapidement les nouvelles informations, sont très efficaces et résistants à la manipulation. De plus, ils donnent généralement des résultats meilleurs que ceux des prévisionnistes professionnels et des sondages », affirment trois économistes dans un travail récent sur la question (2). Le marché pourrait aussi guider davantage les choix dans des activités où vont d'énormes sommes d'argent, pour parvenir à un fonctionnement à la fois plus transparent et plus efficace. En France, c'est le cas de la santé et de l'éducation. Le malade et l'élève (ou ses parents) sont jugés trop bêtes, ou trop peu informés, pour faire des choix sur un marché. Moyennant quoi se sont développées de nombreuses rentes de situation. L'absence d'incitations se traduit par des comportements déviants de masse (vingt-quatre jours d'arrêt maladie par an en moyenne dans le personnel hospitalier). L'école et l'hôpital ne relèvent évidemment pas du marché aux oignons de Brive-la Gaillarde et les pouvoirs publics auront toujours un rôle crucial à y jouer. Mais ils pourraient fonctionner bien mieux avec l'introduction de mécanismes de marché, comme le (chèque éducation confiant aux parents le choix de l'école pour leurs enfants). Le marché n'est ni ange ni démon. C'est juste un instrument, trop employé dans la finance et sans doute pas assez à l'école. (1) , Editions Rue d'Ulm, 2009. (2) , Erik Snowberg, Justin Wolfers et Eric Zitzewitz, Discussion paper n° 9069, CEPR, juillet 2012.

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... ERIC LABAYE PRÉSIDENT DU McKINSEY GLOBAL INSTITUTE

Parution : 293
2012-09-01 - Cinq forces sous-tendent les transformations de l'économie mondiale. La première est l'accélération du déplacement du centre de gravité de l'économie vers l'Est. Les pays émergents vont bientôt compter pour 30 à 40% du PIB mondial. Cela a un impact prononcé sur les avantages comparatifs des pays et, par conséquent, sur la manière dont les entreprises articulent leur chaîne de valeur. La deuxième est le vieillissement des populations. Pour préserver notre niveau de vie, nous devrons donc faire d'importants gains de productivité. Troisième force, l'interconnexion croissante. On compte désormais 5 milliards de téléphones mobiles et des flux d'informations bien supérieurs à ceux du commerce physique. Les communautés d'individus se virtualisent et les chaînes de valeur se mondialisent, à charge pour les entreprises d'évoluer pour en tirer partie. Quatrième force, la limitation des ressources en face d'une demande illimitée : le pétrole, bien sûr, mais aussi les métaux, l'eau, etc. Cette rareté provoque des transferts mondiaux de richesses entre producteurs et consommateurs dont l'ampleur est mal prise en compte. Demain la gestion de ces ressources, leur panachage et l'efficacité de leur usage aura un effet déterminant sur les modèles économiques et les Etats. Enfin, l'Etat, revenu en première ligne, est appelé à redéfinir son rôle tout en optimisant ses dépenses, voire en les réduisant. A l'échelle de la planète, les limites du G8 et du G20 posent également la question de la régulation et de la gouvernance mondiale. L'Europe est directement concernée par le vieillissement de la population et la redéfinition du rôle des Etats. Mais en moyenne elle ne se porte pas si mal, elle a même gagné des parts de marché dans le commerce mondial ces dix dernières années. En revanche, les performances Etat par Etat sont très disparates et les écarts se sont accrus. Sous l'effet de la monnaie unique, chaque pays a choisi sa propre voie d'ajustement structurel, certains avec succès. On se focalise sur l'Allemagne, mais l'Europe du Nord, l'Autriche, la Belgique et les Pays-Bas sont aussi exportateurs nets. Ces pays ont procédé à des réformes de leur marché du travail et de leur Etat providence qui leur ont permis de mieux affronter la crise. L'enjeu aujourd'hui est de définir les axes de cohérence des politiques économiques, de sorte que les membres de l'Union redeviennent compétitifs entre eux et vis-à-vis du reste du monde. Certes, et c'est pour cela que je parle de cohérence et non pas de convergence. Finlande, Pays-Bas, Belgique ne sont pas identiques. Chacun a des domaines dans lesquels il est compétitif et qu'il a adaptés pour les rendre plus compétitifs encore. De même, les Etats américains ne sont pas identiques, mais les marchés y sont plus fluides, la mobilité plus grande. L'Union européenne doit devenir une place régionale plus intégrée et mobile de sorte que les individus puissent se rendre aisément là où sont les opportunités. L'Union européenne fonctionne sur la base d'un pacte budgétaire : on sait où l'on veut aller et on fait confiance aux Etats membres pour atteindre l'objectif. Mais il est vrai qu'on a fait peu de choses ensemble en matière de politique économique. Il faudra passer à une union plus étroite pour améliorer la mobilité, envisager des transferts fiscaux et réaliser un véritable marché commun susceptible de générer des économies d'échelle. Achats publics, recherche, normes, éducation sont les piliers de toute politique industrielle. Or chaque Etat détermine ses propres politiques. Par exemple, nous avons plusieurs programmes d'équipement militaires ou de recherche quand les Etats-Unis ou la Chine n'en proposent chacun qu'un seul. Si l'on veut un marché intégré, il faudra des décisions intégrées, prises d'une seule voix : européenne. Nous sommes toujours dans la phase « pacte ». Assurons-nous que nous nous faisons bien confiance les uns les autres. Appliquons le pacte et remplissons nos obligations. Cette phase de renforcement de la confiance est fondamentale pour passer à l'étape de l'union. Face à 1,3 milliard de Chinois, 1,2 milliard d'Indiens, 300 millions d'Américains, 200 millions de Brésiliens, nous n'utilisons pas pleinement nos ressources, soit 500 millions de consommateurs, une main-d'œuvre qualifiée, des compétences fantastiques et des entreprises remarquables. Cela passe par une commande publique et des programmes de recherche communs. Avec Erasmus et les écoles multipays, l'éducation est en bonne voie. Les premières générations de jeunes formés avec et dans une vision européenne arrivent sur le marché. Côté normes, en revanche, depuis le GSM, il n'y a plus guère d'exemples où elles ont été conçues au niveau européen. Ce sont autant de leviers pour dynamiser notre développement et redonner une force à un ensemble dont le reste du monde doute aujourd'hui qu'il puisse s'en sortir. J'ai parlé des leviers de politique industrielle à disposition de l'Etat, pas de « champion national ». Le rôle de l'Etat est de fournir l'environnement qui permet aux meilleurs de se développer : réglementations sectorielles assurant un bon niveau de concurrence - c'est le premier facteur de compétitivité, compétences et mobilité adéquate, R&D, normes et politiques d'achats appropriées. C'est la base des politiques industrielles qui aux Etats-Unis ont donné naissance à la Silicon Valley et aux biotechs. Le PIB de l'Union européenne est d'un quart inférieur à celui des Etats-Unis. Cela dit, sur 90% des indicateurs de notre étude de 2010 « Croissance et renouveau en Europe » (1), le pays en tête est toujours un Etat européen, sauf en matière de concurrence où les Etats-Unis dominent, leurs marchés étant plus ouverts. Autrement dit, les Européens ont chez eux toutes les bonnes pratiques. Alors identifions-les pour s'en inspirer. On parle de la flexsécurité danoise depuis dix ans... Avec la même dépense que la France pour sa politique d'emploi, le Danemark obtient un taux de chômage deux fois moindre. Grâce à son système de retraite, la Suède a l'un des meilleurs taux d'activité des seniors, etc. Maintenir ou accroître la compétitivité n'est pas toujours une question d'investissement, comme on le pense souvent en France. Le pays consacre déjà 2% de son PIB à la R&D. On pourrait en améliorer le rendement et l'efficacité. Ensuite, quand on regarde les autres pays, on s'aperçoit qu'il n'y a pas de bouquet sectoriel idéal ou meilleur qu'un autre. Il s'agit donc d'identifier et de comprendre finement les leviers de compétitivité et de productivité secteur par secteur, filière par filière. La plupart n'ont pas besoin d'investissement, mais de concurrence, de compétences ou d'allègement du coût total du travail. Une fois ces leviers identifiés, on choisit ou non de les actionner et on arbitre, si nécessaire, entre telle ou telle filière. C'est ce qu'ont fait l'Allemagne pour rendre son agri culture compétitive et la Suède pour sa distribution. Dans cette perspective, il n'y a pas d'obstacles à ce que la France demeure multi-activités. Le bon sujet, c'est de développer tous les secteurs à valeur ajoutée. J'associe toujours industrie et services. L'industrie, c'est 15 à 20% de la valeur ajoutée, les services le reste. Réindustrialiser, c'est donc créer un environnement qui donne aux entreprises l'envie d'investir, de la R&D aux services, en passant par le marketing stratégique et la production, dans les domaines où l'on souhaite être compétitif. La France a encore tendance à résumer l'industrie au maintien de la production. Or l'industrie c'est aussi la R&D, le marketing, le service après-vente, etc. Selon notre étude sur la compétitivité (2), la France présente un profil plat de balance commerciale que ce soit dans l'industrie ou les services, à la différence des pays d'Europe du Nord. Dans les secteurs intensifs en main-d'œuvre, aucun pays développé n'est très bon à l'exportation. Mais dans les secteurs intensifs en capital, telle la sidérurgie, et en connaissance (5% de R&D ou plus), comme la pharmacie et l'aéronautique, la France est respectivement à -0,7 et à 0 de balance commerciale (en% du PNB) alors que les pays continentaux sont à +1,1 et +4,1. Dans les services intensifs en connaissance, elle est à +0,1 ; les pays du Nord à +1,8. L'Allemagne exporte certes pour un tiers de produits manufacturés et un tiers de produits qu'elle a importés, mais aussi pour un tiers de services. Ne nous focalisons donc pas sur les usines, mais sur les segments à valeur ajoutée créateurs d'emplois. L'Allemagne a utilisé l'Europe de l'Est comme base de pour fabriquer les pièces et modules qu'elle assemble sur son territoire. Les Etats-Unis travaillent de même avec le Mexique. Pourquoi la France n'en fait-elle pas autant, voire davantage, avec le Maghreb et l'Afrique francophone au sens large ? Cela aiderait au développement de ce continent, tout en rendant les produits conçus et assemblés en France plus compétitifs (3). Sur cette question de l'emploi, quelques mythes perdurent encore. Il est vrai que l'industrie n'est pas créatrice nette d'emplois. D'où la nécessité de développer de nouveaux créneaux pour compenser. A cet égard, trois segments de services sont créateurs nets (+15 millions en dix ans dans les pays développés) : les services consommateurs de main-d'œuvre (services à la personne, distribution), intensifs en connaissance (analyse de données, par exemple), santé et éducation. De plus, les emplois de services intensifs en main-d'œuvre ne sont pas plus mal payés en moyenne que leurs équivalents industriels. Quant à la France, elle souffre en effet à la fois d'un manque d'emplois peu qualifiés et d'un déficit de main-d'œuvre qualifiée (4). L'enjeu pour elle d'ici 2020 est de créer 1 million d'emplois peu qualifiés (la distribution, si elle s'ouvrait à de nouveaux formats, pourrait à elle seule en créer 300 000), d'accroître les compétences de 1 million d'actifs et de former 1 million de jeunes très qualifiés. Pour ce faire, on doit pouvoir renforcer les liens entre universités et entreprises pour déterminer les profils dont on aura besoin dans dix ans et améliorer en particulier l'information des étudiants sur les débouchés des filières qu'ils choisissent. Car quel que soit le niveau de formation, du CAP à bac +5, l'écart du taux de chômage entre les filières qui embauchent et les autres est toujours le même : 13 points (soit, par exemple, la différence entre 18% et 5%). Le dynamisme de la filière importe donc autant, sinon davantage, que le niveau d'études. (1) Beyond austerity : A path to economic growth and renewal in Europe, McKinsey Global Institute (MGI), octobre 2010. (2) Trading myths : Addressing misconceptions about trade, jobs, and competitiveness, MGI, mai 2012. (3) Industrie 2.0 - Cinq pistes pour permettre aux industriels français de tirer parti de la mondialisation, McKinsey France, juillet 2012. (4) L'Emploi en France : cinq priorités d'action d'ici 2020, MGI, mars 2012.

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