PUB SUR MESURE
Parution : 293
2012-09-01
-
Les médias locaux traditionnels ont du mouron à se faire ! Depuis le
printemps, Weborama présente une offre de publicité sur Internet à la
fois comportementale et géolocalisée. Une première. L'agence a entrepris
de croiser sa base de données de profils d'internautes, construite en
traçant leur navi
gation sur le Web, avec la
base d'adresses IP. Elle peut ainsi ne viser que les individus habitant
dans un rayon de chalandise de 5 à 30 km des enseignes, en y ajoutant
des critères comportementaux. « Une évolution réclamée par le marché »,
remarque Laurence Bonicalzi Bridier, directrice associée. Carrefour
Drive et Bricomarché l'ont déjà adoptée.
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Créativité
Enjeux
LE GRAPHIQUE DU MOIS
Parution : 293
2012-09-01
-
La perte du sacro-saint triple A n'y aura rien fait : jamais l'Etat
français n'aura emprunté à si bon compte. Mi-août, le taux de l'OAT à
dix ans tutoyait le plancher des 2%. Sur les échéances très courtes, les
taux d'intérêt réels étaient même légèrement négatifs. Une bouffée
d'oxygène pour le bud
get de l'Etat. Malgré
une hausse massive des émissions nouvelles, la charge de la dette
devrait ainsi rester stable cette année, comparé à 2011, à environ 47
milliards d'euros. Combien de temps cet état de grâce va-t-il perdurer ?
Ou plus exactement, combien de temps les investisseurs accepteront-ils
des rendements aussi faibles ? Le Trésor anticipe déjà une hausse des
taux.
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Conjoncture
Enjeux
TOUCHEZ MA BOTTE, MONSEIGNEUR
Parution : 293
2012-09-01
-
Une « boutique sensorielle » pour faire redécouvrir le plaisir du
contact avec la peau de mouton : c'est le moyen inventé par la filiale
française de cette marque américaine de bottes et Publicis pour se
relancer. UGG veut se démarquer des contrefaçons qui utilisent une
matière première médiocre. S
on Experience
Store, installé rue des Halles, à Paris, du 11 octobre à la fin janvier,
proposera des expériences tactiles dans le noir, filmées en infrarouge
et postées sur les réseaux sociaux. Un buzz opportun au moment de
l'ouverture, le 1er novembre dans le Marais, du premier magasin en
propre.
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Créativité
Enjeux
CROWDSOURCING : VIVE LES MASSES LABORIEUSES !
Parution : 293
2012-09-01
-
Jeff Howe, un des éditeurs de , révèle ici un des changements majeurs
accompagnant l'essor d'Internet : le . C'est l'idée qu'on peut
transformer les millions d'internautes en autant de contributeurs
potentiels, à même de porter collectivement des projets jusque-là
réservés aux seules entreprises
capables de
rémunérer des experts ou des équipes de spécialistes. Car le
crowdsourcing permet de susciter des solutions émanant d'amateurs ou de
spécialistes bénévoles travaillant pendant leur temps libre, tout autant
que des contributions de PME ou d'experts initialement inconnus.
Popularisé par les projets , le crowdsourcing s'est rapidement étendu à
de nombreux domaines : les contenus culturels, l'entrepreneuriat et le
financement, les services aux entreprises. Désormais, il touche les
industries les plus installées (cosmétique, pharmacie) et des champs
d'application inattendus, comme la recherche scientifique participative.
A l'aide de nombreux cas éclairants, Jeff Howe établit ce qu'il appelle
la force de la sagesse de la foule. Il analyse aussi les nombreuses
manières dont ces foules peuvent être mobilisées : par le crowdsourcing
proprement dit, ou par le , le , le , le microtravail ou les concours.
La force d'une masse de contributeurs tient à la variété d'intelligence
et de créativité qu'ils offrent, bien plus grande que celle d'un nombre
défini d'individus ou de firmes spécialisées. Mais Jeff Howe nous montre
que la foule n'est pas seulement talentueuse et créative, elle est
aussi incroyablement productive. Il s'agit d'une méritocratie parfaite,
où l'âge, le sexe, la race, ou le CV comptent moins que la qualité des
réponses proposées.
Par sa force, le crowdsourcing a ainsi déclenché des changements
radicaux dans l'organisation du travail, l'utilisation du talent, la
recherche, la fabrication et la vente des produits. Mais en supplantant
les formes traditionnelles de travail, il suscite des crises :
déstructuration de secteurs d'activité - celui des agences photo face à
des sites comme Fotolia ou iStockphoto, par exemple - et déflation des
salaires, via les faibles rémunérations payées aux contributeurs.
Si de nombreux travaux soulignent l'importance des entrepreneurs et des
équipes pour la performance des firmes, Jeff Howe démontre le pouvoir
des communautés. Il occulte, cependant, le coût non négligeable de
l'organisation du crowdsourcing pour une entreprise : fidéliser les
contributeurs, formaliser les questions posées, recueillir et
sélectionner les contributions, contrôler leur qualité, enfin les
appliquer. Il ne se demande pas plus si la foule a le pouvoir de
soutenir, dans la durée, la production d'une offre variée, notamment
dans des secteurs pointus où le nombre des contributeurs est restreint.
Ce faisant, l'ouvrage touche une faiblesse des théories actuelles du
management qui peinent à articuler l' avec une gestion volontariste de
la conception.
* Directeur de recherche au CNRS, il dirige le pôle de recherche en
économie et gestion à Polytechnique (chaire Orange Innovation et
régulation des services numériques).
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Livres d'ailleurs
Idées
L'ILLUSION DU LEADERSHIP
Parution : 293
2012-09-01
-
Trente ans de recherches et de formations n'y ont rien fait : jamais les
citoyens et les salariés américains n'ont aussi peu fait confiance à
leurs dirigeants politiques et patronaux. C'est le constat atterré de
Barbara Kellerman, spécialiste du leadership à Harvard. En cause : sa
propre profession
. Le (bon) leadership reste un mystère et les indicateurs fiables de l'efficacité des formations manquent.
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Idées
L'AMÉRIQUE, LA FINANCE ET LES CONSOMMATEURS
Parution : 293
2012-09-01
-
Pas encore complètement monté en puissance et déjà enterré ? Le fameux
bureau de protection financière des consommateurs - Consumer Financial
Protection Bureau - qui devait être, avec la Volcker Rule, l'autre
pilier de la loi Dodd-Frank de régulation financière, pourrait devenir
une victime colla
térale de l'élection
présidentielle américaine. « Le financement, le contrôle, voire
l'existence même du Bureau vont se jouer lors du scrutin du 6 novembre
», prédit Ann Graham, professeur de droit à la Hamline University de
Saint Paul (Minnesota). Mitt Romney, le candidat républicain opposé à
Barack Obama, veut la peau de cette superagence entrée en fonction en
juillet 2011, indépendante du Congrès et financée par la Réserve
fédérale. En parfait écho aux critiques de Wall Street, il la dépeint
comme « l'administration la plus influente de l'histoire de notre
nation, qui n'a à rendre compte de ses actes à personne, et a, à sa
tête, un bureaucrate qui exerce sans contrôle un pouvoir sans précédent
sur l'économie ! »
Malgré sa courte existence, le CFPB s'est fait beaucoup d'ennemis à
force de s'attaquer aux sujets qui fâchent, dans l'espoir d'éviter un
remake de la crise de 2008. Dans son collimateur : les crédits
immobiliers et les prêts étudiants peu transparents, les établissements
coupables de discrimination à l'emprunt, ceux qui manipulent les taux,
imposent des pénalités abusives en cas de retard de paiement ou
trichent sur les capacités de remboursement des emprunteurs.
L'opposition que suscite le Bureau est à la mesure de son pouvoir, si
étendu que certains milieux conservateurs vont jusqu'à en nier la
constitutionnalité. Le CFBP a récupéré les prérogatives qu'exerçaient
jusque-là sept agences fédérales en charge de la protection du
consommateur. Le législateur lui a confié un vaste mandat pour encadrer
à la fois les établissements de dépôts (banques, caisses d'épargne et
unions de crédit) totalisant plus de 10 milliards de dollars d'actifs ;
d'autres plus modestes qui proposent des prêts immobiliers, des prêts
sur salaires ou des prêts étudiants ; et les grandes institutions dont
la faillite aurait des répercussions sur tout le système. Depuis
juillet, il supervise aussi 30 agences d'évaluation de crédit chargées
de collecter les informations financières sur les consommateurs et qui
exerçaient jusqu'alors leur activité sans contrôle - on estime à 25% le
nombre d'évaluations erronées susceptibles d'empêcher les
consommateurs d'obtenir un crédit.
Pour Barack Obama, la vocation du CFPB est d'« assister les classes
moyennes et les 40 millions de seniors qui n'ont pas les moyens de se
payer les services d'avocats » pour faire valoir leurs droits. En
janvier, le chef de l'Etat a bravé l'opposition républicaine en
imposant Richard Cordray à la tête de l'institution. Un choix tout sauf
innocent : cet ancien Attorney General de l'Ohio s'est rendu célèbre
en défendant les consommateurs de son Etat contre AIG, Bank of America
ou le géant du refinan cement hypothécaire, Fannie Mae. Aujourd'hui, les
889 employés (économistes, juristes, experts financiers) ont quatre
missions : simplifier et clarifier les offres existantes de prêts en
tous genres, traiter les plaintes des clients s'estimant trompés par
les institutions financières - 55 000 ont été reçues durant les onze
premiers mois, dont 43% avaient trait à des problèmes de prêts
immobiliers et 34% relevaient des cartes de crédit -, proposer un
arsenal de nouvelles règles plus protectrices du public et, enfin,
éduquer l'opinion. Leur devise : - en substance, renseignez-vous avant
de vous engager. Pour guider les consommateurs, le Bureau a entrepris,
en juin, de mettre en ligne la liste des établissements recevant le
plus de plaintes de clients et la nature des litiges. A chacun de se
faire une idée !
Au moment où 700 000 Américains sont impliqués dans des procédures de
saisie, cette mission de service public est tellement cruciale que peu
de républicains osent réclamer le démantèlement de la superagence. Mais
ils rivalisent de propo sitions pour l'affaiblir : transférer une partie
de ses compétences à des organes contrôlés par le Congrès, soumettre
ses crédits au contrôle des élus, confier la nomination de son patron à
une commission bipartisane, etc. Mitt Romney est d'autant plus à
l'écoute du lobby bancaire que celui-ci, très déçu par Obama, lui ouvre
son portefeuille. A la fin août, la finance, l'assurance et l'immobilier
avaient donné 38 millions de dollars à la campagne des républicains
contre 12,5 millions à celle des démocrates, selon l'institut
indépendant OpenSecrets.
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Analyses
Enjeux
Le solide appétit du bavarois Müller
Parution : 293
2012-09-01
-
Peu connu du consommateur français, Müller est pourtant devenu en quinze
ans un géant européen du lait et de ses dérivés (yaourt, beurre, poudre
de lait, etc.), fort de 3,3 milliards d'euros de chiffre d'affaires,
capable de rivaliser avec les Danone et autres Lactalis. Dans un marché
national domi
né par les marques de
distributeurs, le groupe bavarois a réussi à imposer son label tout en
fabriquant aussi pour la grande distribution. Exportateur vers l'Italie,
l'Espagne, les Pays-Bas, l'Europe de l'Est, essentiellement à partir du
mégasite de Leppersdorf racheté en 1993 dans l'ex-RDA, Müller s'est
aussi implanté localement quand il le fallait. « Originale par rapport à
ses concurrents allemands qui privilégient l'exportation, cette
démarche a rencontré un succès spectaculaire en Grande-Bretagne,
explique Benoît Rouyer, économiste au Centre national interprofessionnel
de l'économie laitière. Dans ce pays à la fibre volontiers
patriotique, le groupe a construit une usine dès les années 90. Et il a
révolutionné le marché du yaourt britannique avec le Müller Corner,
concept innovant d'emballage à compartiments, le nappage d'un côté, le
yaourt nature de l'autre, prêts à être mélangés. »
Aujourd'hui, Müller fait partie des marques vedettes outre-Manche, quand
le groupe Danone, qui ne produit toujours pas sur place, est à la
peine. Depuis, Müller a également racheté une laiterie en République
tchèque ! Et son expansion est loin d'être terminée, même si son
propriétaire Theo Müller, qui cultive le goût du secret comme les
Besnier de Lactalis, se refuse à tout commentaire. Les faits sont là.
En quelques mois, l'entreprise plus que centenaire a réalisé deux
opérations signi ficatives à l'international. D'abord, en octobre 2011,
un accord de joint-venture avec PepsiCo dans le yaourt pour partir à la
conquête des Etats-Unis. Il s'agit de profiter de l'appétit croissant
des Américains pour une alimentation saine qu'incarne parfaitement le
yaourt, grec de préférence car plus riche en protéines (voir encadré).
Avec une consommation annuelle par habitant de seulement 6 kg, les
Etats-Unis sont très en retard par rapport à l'Europe, où Français,
Allemands ou Néerlandais en mangent plus de 30 kg !
Müller apporte son savoir-faire industriel et ses produits haut de gamme
au nouveau venu dans le yaourt qu'est PepsiCo - celui-ci a racheté l'an
dernier le russe Wimm-Bill-Dann pour rééquilibrer son porte feuille
vers des produits jugés plus sains que les sodas. Et l'américain fournit
sa force de frappe commerciale pour gagner la bataille du marketing
vis-à-vis des géants Yoplait (groupe General Mills) et Danone implantés
de longue date.
Depuis juillet, sa filiale Quaker Oats, spécialisée dans les céréales du
petit-déjeuner, commercialise sur la côte Est les Müller Corner
classiques, des yaourts grecs et des Müller FrütUp nappés de mousse de
fruits. Avec une capacité annuelle de 5 milliards de pots par an et 180
personnes à partir de 2013, l'usine de Batavia dans l'Etat de New York
sera l'un des plus grands sites du secteur, promet Pepsico. « Cette
alliance rappelle celle de Lactalis et de Nestlé en Europe dans les
yaourts », commente Jean-Daniel Pick du cabinet OC&C Strategy
Consultants. Le poids moyen qu'est Müller a fait le bon choix pour
s'implanter sur le marché américain. Mais comment évoluera cet accord ?
Jean-Daniel Pick s'interroge : « PepsiCo, qui a pour habitude d'être
maître chez lui, pourrait être tenté de reprendre tôt ou tard le
contrôle de l'affaire, en ayant prévu des systèmes d'options d'achat et
de vente pour l'activité américaine, voire en visant la possibilité de
bénéficier d'un droit d'acquisition préférentiel dans le cas d'une
cession de l'activité européenne. »
L'heure est aussi à la croissance en Grande-Bretagne, premier marché
européen de Müller en dehors de l'Allemagne. En février 2012, il a
racheté Robert Wiseman Dairies, l'une des trois principales laiteries
britanniques, pour 279,5 millions de livres (349 millions d'euros).
Objectif : élargir sa gamme et peser davantage vis-à-vis de la grande
distribution. Et selon la rumeur, le bavarois pourrait reprendre l'usine
de yaourts de Telford à l'autrichien Nöm, en difficulté.
Pour Dirk Lenders de , le magazine allemand de référence dans
l'agroalimentaire, « ces transactions marquent une véritable
accélération dans l'internationalisation du groupe ». Il y voit la patte
d'Heiner Kamps, nommé à la direction générale en 2011. Ce self-made-man
a fait fortune en bâtissant l'une des principales chaînes de
boulangerie du pays (Kamps), qu'il a revendue au groupe italien Barilla
au début des années 2000.
Avec le soutien financier - initialement à titre privé - de Theo Müller,
il a depuis réinvesti dans des industries très atomisées comme les
salades fraîches, les condiments (Homann, Nadler, Hamker, etc.) et
autres produits d'épicerie fine, mais également dans Nordsee, la chaîne
de restauration rapide des produits de la mer. Son idée : jouer un rôle
de consolidateur. L'ensemble de ces sociétés est aujourd'hui regroupé
dans l'entité HK Food, dont Theo Müller est devenu l'actionnaire
majoritaire depuis 2011. Ces activités en pleine restructuration peuvent
constituer des relais de croissance alors que, dans son métier
historique du lait en Allemagne, le groupe a désormais du mal à se
développer par acquisition sans se heurter à des problèmes de
concurrence. De plus, Müller subit la pression de la grande distribution
qui ne le juge plus assez innovant. Heiner Kamps a la double tâche de
rapprocher le pôle HK Food et le lait, qui constitue encore les deux
tiers du chiffre d'affaires, 30% des effectifs et l'essentiel du
cash-flow, tout en poussant les feux à l'étranger pour l'ensemble des
activités. La stratégie adoptée par le groupe allemand diffère de celle
de ses principaux concurrents français : Lactalis se concentre
uniquement sur le lait et ses dérivés (poudre de lait, laits infantiles,
fromages, etc.), alors que Danone s'est largement recentré sur
l'alimentation saine - yaourt, eau minérale, aliments pour bébé et
depuis peu la nutrition médicale - en quittant progressivement la bière,
les biscuits, etc. Un modèle atypique qui, pour l'heure, semble réussir
à la troisième génération des Müller.
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Agroalimentaire
Enquêtes
1er AOÛT QUITTANCES SOUS CONTRÔLE
Parution : 293
2012-09-01
-
Promesse de campagne tenue avec des pincettes : le décret, préparé par
la ministre du Logement, Cécile Duflot, et publié le 21 juillet au
encadre la relocation et les renouvellements de baux dans 38
agglomérations, dont Paris, Lyon, Marseille et Nice, mais aussi des
villes où les loyers flamben
t. Les
propriétaires ne pourront appliquer de hausse supérieure à celle de
l'indice de référence des loyers. Sauf en cas de travaux importants ou
de loyer précédent sous-évalué. Temporaire, cet encadrement s'applique
aux changements de locataires jusqu'au 21 juillet 2013.
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Actu
Enjeux
RETROUVER LE BON USAGE DU MARCHÉ
Parution : 293
2012-09-01
-
Décidément, les marchés ne tournent pas rond. Le scandale du Libor l'a
confirmé cet été. Les plus grands banquiers de la plus grande place
financière trichaient avec le prix de leur matière première ! Il faut
reconnaître que la mécanique du Libor, le taux d'intérêt censé refléter
le prix auquel
se prêtent les grandes
banques de la City, est assez particulière. Des établissements réputés
transmettent chaque jour leur estimation à l'Association des banquiers
britanniques, qui publie une moyenne à 11 heures. Autrement dit, ce
chiffre crucial pour les marchés financiers, référence dans des milliers
de contrats, ne vient pas des marchés eux-mêmes mais de grandes maisons
qui ont des intérêts à préserver. Et il semble bien que certaines
d'entre elles s'accordaient parfois afin de fixer un niveau qui les
arrangeait - pour masquer des faiblesses passagères dans leurs comptes,
voire pour faire des plus-values.
Pour mettre fin à ce scandale, la solution est simple, au moins sur le
papier : il faut... davantage de marché. Le Libor devrait refléter les
transactions effectives, et non quelques déclarations manipulables et
manipulées. Seulement voilà, le marché interbancaire ne ressemble pas au
« vrai » marché des économistes. Il peut parfois geler, comme c'est
souvent le cas ces derniers temps. Et les prix ne dépendent pas
seulement de l'offre et de la demande, mais aussi de l'idée que chacun
se fait de la santé de l'autre. A vrai dire, ces particularités
dépassent largement les échanges inter bancaires. Les marchés ne
ressemblent pas du tout au marché que l'on enseigne en économie. Et
pour sortir de la crise actuelle, il faudra accepter cette réalité et en
tirer les conséquences. Développer le marché là où il est utile ; s'en
passer là où il est néfaste.
Dégagé de ses oripeaux idéologiques, le marché est un outil qui ajuste
l'offre et la demande d'un bien par un prix. Quand le prix monte, les
acheteurs deviennent moins nombreux, à l'inverse des vendeurs. Se forme
ainsi un prix d'équilibre. Le mécanisme fonctionne au mieux quand il y a
une foule de petits acheteurs et de petits vendeurs (hypothèse
d'atomicité) s'échangeant des produits identiques (homogénéité) en
parfaite connaissance de cause (transparence). Cet instrument est d'une
redoutable efficacité dans des sociétés modernes complexes. Les pays qui
ont essayé de s'en passer ont échoué. Mais comme le marteau dans la
boîte à outils, ce n'est qu'un instrument parmi d'autres qui peut faire
très mal s'il n'est pas utilisé à bon escient. En amont, il suppose un
cadre légal solide pour fonctionner. En aval, il exerce des effets
sociaux qui peuvent être jugés indésirables et qui doivent alors être
corrigés.
Le problème c'est que le marché est le plus développé... là où il
fonctionne le plus mal : dans la finance. C'est d'autant plus paradoxal
que dans le langage courant, « les marchés » en sont devenus
synonymes. L'économiste André Orléan explique le vice fondamental des
marchés financiers (1) : « La hausse des prix, loin de déprimer la
demande, la favorise et l'intensifie. Autrement dit, elle se nourrit
elle-même et s'auto-entretient. » A l'inverse du marché aux oignons de
Brive-la-Gaillarde immortalisé par Georges Brassens, le marché aux
actions, ou aux devises, ou aux obligations, n'a rien d'un mécanisme
stabilisateur. Quand une action s'envole en Bourse, tout le monde veut
en acheter. C'est ainsi que se forment les bulles. Le marché est ici un
moteur à explosions, des explosions aux effets dévastateurs.
Une étrange convergence est d'ailleurs en cours. D'un côté, des
idéologues d'extrême-gauche théorisent la fermeture des marchés
financiers. De l'autre côté, des praticiens de la finance, aux idées
souvent solidement ancrées à droite, dénoncent les effets négatifs de la
Bourse. C'est le cas de l'industrie du , où des financiers retirent
des entreprises de la cote pour les restructurer au calme. Le malaise
va au-delà. Les interrogations sur l'utilité profonde des marchés
boursiers, devenus incapables de financer des entreprises, deviennent
lancinantes. Les marchés obligataires, où se négocient notamment les
titres de dette publique, sont eux aussi critiqués. Un jour ou l'autre,
il faudra se demander sérieusement où et comment le marché peut être
efficace dans la finance.
Les excès du marché se retrouvent dans d'autres secteurs, pour d'autres
raisons. La volonté souvent idéologique d'imposer « la loi du marché »
peut déboucher sur des situations ubuesques, comme celles parfois
provoquées par l'obligation faite aux collectivités publiques de
généraliser les appels d'offres pour leurs achats. Plus
fondamentalement, le marché est un outil qui fonctionne mal pour le
travail, la terre et la monnaie - l'économiste hongrois Karl Polanyi
avait dénoncé les effets néfastes de leur marchandisation dès les années
40. Mais si le marché est souvent employé là où il marche mal, il
n'est pas assez présent là où il pourrait être précieux.
Ainsi, le marché est un outil assez efficace pour faire... des
prévisions. Pas sur la météo ou l'âge du capitaine, mais sur les
évolutions politiques, économiques et sociales. C'est ce que les
experts appellent les « marchés prédictifs », ceux où l'on mise de
l'argent sur un événement, comme le résultat d'une élection, le nombre
de chômeurs le mois prochain ou le score d'un match de foot. « Ils
incorporent rapidement les nouvelles informations, sont très efficaces
et résistants à la manipulation. De plus, ils donnent généralement des
résultats meilleurs que ceux des prévisionnistes professionnels et des
sondages », affirment trois économistes dans un travail récent sur la
question (2).
Le marché pourrait aussi guider davantage les choix dans des activités
où vont d'énormes sommes d'argent, pour parvenir à un fonctionnement à
la fois plus transparent et plus efficace. En France, c'est le cas de la
santé et de l'éducation. Le malade et l'élève (ou ses parents) sont
jugés trop bêtes, ou trop peu informés, pour faire des choix sur un
marché. Moyennant quoi se sont développées de nombreuses rentes de
situation. L'absence d'incitations se traduit par des comportements
déviants de masse (vingt-quatre jours d'arrêt maladie par an en moyenne
dans le personnel hospitalier). L'école et l'hôpital ne relèvent
évidemment pas du marché aux oignons de Brive-la Gaillarde et les
pouvoirs publics auront toujours un rôle crucial à y jouer. Mais ils
pourraient fonctionner bien mieux avec l'introduction de mécanismes de
marché, comme le (chèque éducation confiant aux parents le choix de
l'école pour leurs enfants). Le marché n'est ni ange ni démon. C'est
juste un instrument, trop employé dans la finance et sans doute pas
assez à l'école.
(1) , Editions Rue d'Ulm, 2009.
(2) , Erik Snowberg, Justin Wolfers et Eric Zitzewitz, Discussion paper
n° 9069, CEPR, juillet 2012.
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Analyses
Enjeux
... ERIC LABAYE PRÉSIDENT DU McKINSEY GLOBAL INSTITUTE
Parution : 293
2012-09-01
-
Cinq forces sous-tendent les transformations de l'économie mondiale. La
première est l'accélération du déplacement du centre de gravité de
l'économie vers l'Est. Les pays émergents vont bientôt compter pour 30 à
40% du PIB mondial. Cela a un impact prononcé sur les avantages
comparatifs des pays
et, par conséquent, sur
la manière dont les entreprises articulent leur chaîne de valeur. La
deuxième est le vieillissement des populations. Pour préserver notre
niveau de vie, nous devrons donc faire d'importants gains de
productivité. Troisième force, l'interconnexion croissante. On compte
désormais 5 milliards de téléphones mobiles et des flux d'informations
bien supérieurs à ceux du commerce physique. Les communautés d'individus
se virtualisent et les chaînes de valeur se mondialisent, à charge pour
les entreprises d'évoluer pour en tirer partie. Quatrième force, la
limitation des ressources en face d'une demande illimitée : le pétrole,
bien sûr, mais aussi les métaux, l'eau, etc. Cette rareté provoque des
transferts mondiaux de richesses entre producteurs et consommateurs dont
l'ampleur est mal prise en compte. Demain la gestion de ces ressources,
leur panachage et l'efficacité de leur usage aura un effet déterminant
sur les modèles économiques et les Etats. Enfin, l'Etat, revenu en
première ligne, est appelé à redéfinir son rôle tout en optimisant ses
dépenses, voire en les réduisant. A l'échelle de la planète, les limites
du G8 et du G20 posent également la question de la régulation et de la
gouvernance mondiale.
L'Europe est directement concernée par le vieillissement de la
population et la redéfinition du rôle des Etats. Mais en moyenne elle ne
se porte pas si mal, elle a même gagné des parts de marché dans le
commerce mondial ces dix dernières années. En revanche, les performances
Etat par Etat sont très disparates et les écarts se sont accrus. Sous
l'effet de la monnaie unique, chaque pays a choisi sa propre voie
d'ajustement structurel, certains avec succès. On se focalise sur
l'Allemagne, mais l'Europe du Nord, l'Autriche, la Belgique et les
Pays-Bas sont aussi exportateurs nets. Ces pays ont procédé à des
réformes de leur marché du travail et de leur Etat providence qui leur
ont permis de mieux affronter la crise. L'enjeu aujourd'hui est de
définir les axes de cohérence des politiques économiques, de sorte que
les membres de l'Union redeviennent compétitifs entre eux et vis-à-vis
du reste du monde.
Certes, et c'est pour cela que je parle de cohérence et non pas de
convergence. Finlande, Pays-Bas, Belgique ne sont pas identiques. Chacun
a des domaines dans lesquels il est compétitif et qu'il a adaptés pour
les rendre plus compétitifs encore. De même, les Etats américains ne
sont pas identiques, mais les marchés y sont plus fluides, la mobilité
plus grande. L'Union européenne doit devenir une place régionale plus
intégrée et mobile de sorte que les individus puissent se rendre
aisément là où sont les opportunités.
L'Union européenne fonctionne sur la base d'un pacte budgétaire : on
sait où l'on veut aller et on fait confiance aux Etats membres pour
atteindre l'objectif. Mais il est vrai qu'on a fait peu de choses
ensemble en matière de politique économique. Il faudra passer à une
union plus étroite pour améliorer la mobilité, envisager des transferts
fiscaux et réaliser un véritable marché commun susceptible de générer
des économies d'échelle. Achats publics, recherche, normes, éducation
sont les piliers de toute politique industrielle. Or chaque Etat
détermine ses propres politiques. Par exemple, nous avons plusieurs
programmes d'équipement militaires ou de recherche quand les Etats-Unis
ou la Chine n'en proposent chacun qu'un seul. Si l'on veut un marché
intégré, il faudra des décisions intégrées, prises d'une seule voix :
européenne.
Nous sommes toujours dans la phase « pacte ». Assurons-nous que nous
nous faisons bien confiance les uns les autres. Appliquons le pacte et
remplissons nos obligations. Cette phase de renforcement de la confiance
est fondamentale pour passer à l'étape de l'union. Face à 1,3 milliard
de Chinois, 1,2 milliard d'Indiens, 300 millions d'Américains, 200
millions de Brésiliens, nous n'utilisons pas pleinement nos ressources,
soit 500 millions de consommateurs, une main-d'œuvre qualifiée, des
compétences fantastiques et des entreprises remarquables. Cela passe par
une commande publique et des programmes de recherche communs. Avec
Erasmus et les écoles multipays, l'éducation est en bonne voie. Les
premières générations de jeunes formés avec et dans une vision
européenne arrivent sur le marché. Côté normes, en revanche, depuis le
GSM, il n'y a plus guère d'exemples où elles ont été conçues au niveau
européen. Ce sont autant de leviers pour dynamiser notre développement
et redonner une force à un ensemble dont le reste du monde doute
aujourd'hui qu'il puisse s'en sortir.
J'ai parlé des leviers de politique industrielle à disposition de
l'Etat, pas de « champion national ». Le rôle de l'Etat est de fournir
l'environnement qui permet aux meilleurs de se développer :
réglementations sectorielles assurant un bon niveau de concurrence -
c'est le premier facteur de compétitivité, compétences et mobilité
adéquate, R&D, normes et politiques d'achats appropriées. C'est la
base des politiques industrielles qui aux Etats-Unis ont donné naissance
à la Silicon Valley et aux biotechs. Le PIB de l'Union européenne est
d'un quart inférieur à celui des Etats-Unis. Cela dit, sur 90% des
indicateurs de notre étude de 2010 « Croissance et renouveau en Europe »
(1), le pays en tête est toujours un Etat européen, sauf en matière de
concurrence où les Etats-Unis dominent, leurs marchés étant plus
ouverts. Autrement dit, les Européens ont chez eux toutes les bonnes
pratiques. Alors identifions-les pour s'en inspirer. On parle de la
flexsécurité danoise depuis dix ans... Avec la même dépense que la
France pour sa politique d'emploi, le Danemark obtient un taux de
chômage deux fois moindre. Grâce à son système de retraite, la Suède a
l'un des meilleurs taux d'activité des seniors, etc.
Maintenir ou accroître la compétitivité n'est pas toujours une question
d'investissement, comme on le pense souvent en France. Le pays consacre
déjà 2% de son PIB à la R&D. On pourrait en améliorer le rendement
et l'efficacité. Ensuite, quand on regarde les autres pays, on
s'aperçoit qu'il n'y a pas de bouquet sectoriel idéal ou meilleur qu'un
autre. Il s'agit donc d'identifier et de comprendre finement les leviers
de compétitivité et de productivité secteur par secteur, filière par
filière. La plupart n'ont pas besoin d'investissement, mais de
concurrence, de compétences ou d'allègement du coût total du travail.
Une fois ces leviers identifiés, on choisit ou non de les actionner et
on arbitre, si nécessaire, entre telle ou telle filière. C'est ce qu'ont
fait l'Allemagne pour rendre son agri culture compétitive et la Suède
pour sa distribution. Dans cette perspective, il n'y a pas d'obstacles à
ce que la France demeure multi-activités.
Le bon sujet, c'est de développer tous les secteurs à valeur ajoutée.
J'associe toujours industrie et services. L'industrie, c'est 15 à 20% de
la valeur ajoutée, les services le reste. Réindustrialiser, c'est donc
créer un environnement qui donne aux entreprises l'envie d'investir, de
la R&D aux services, en passant par le marketing stratégique et la
production, dans les domaines où l'on souhaite être compétitif. La
France a encore tendance à résumer l'industrie au maintien de la
production. Or l'industrie c'est aussi la R&D, le marketing, le
service après-vente, etc. Selon notre étude sur la compétitivité (2), la
France présente un profil plat de balance commerciale que ce soit dans
l'industrie ou les services, à la différence des pays d'Europe du Nord.
Dans les secteurs intensifs en main-d'œuvre, aucun pays développé n'est
très bon à l'exportation. Mais dans les secteurs intensifs en capital,
telle la sidérurgie, et en connaissance (5% de R&D ou plus), comme
la pharmacie et l'aéronautique, la France est respectivement à -0,7 et à
0 de balance commerciale (en% du PNB) alors que les pays continentaux
sont à +1,1 et +4,1. Dans les services intensifs en connaissance, elle
est à +0,1 ; les pays du Nord à +1,8. L'Allemagne exporte certes pour un
tiers de produits manufacturés et un tiers de produits qu'elle a
importés, mais aussi pour un tiers de services. Ne nous focalisons donc
pas sur les usines, mais sur les segments à valeur ajoutée créateurs
d'emplois. L'Allemagne a utilisé l'Europe de l'Est comme base de pour
fabriquer les pièces et modules qu'elle assemble sur son territoire. Les
Etats-Unis travaillent de même avec le Mexique. Pourquoi la France n'en
fait-elle pas autant, voire davantage, avec le Maghreb et l'Afrique
francophone au sens large ? Cela aiderait au développement de ce
continent, tout en rendant les produits conçus et assemblés en France
plus compétitifs (3).
Sur cette question de l'emploi, quelques mythes perdurent encore. Il
est vrai que l'industrie n'est pas créatrice nette d'emplois. D'où la
nécessité de développer de nouveaux créneaux pour compenser. A cet
égard, trois segments de services sont créateurs nets (+15 millions en
dix ans dans les pays développés) : les services consommateurs de
main-d'œuvre (services à la personne, distribution), intensifs en
connaissance (analyse de données, par exemple), santé et éducation. De
plus, les emplois de services intensifs en main-d'œuvre ne sont pas plus
mal payés en moyenne que leurs équivalents industriels. Quant à la
France, elle souffre en effet à la fois d'un manque d'emplois peu
qualifiés et d'un déficit de main-d'œuvre qualifiée (4). L'enjeu pour
elle d'ici 2020 est de créer 1 million d'emplois peu qualifiés (la
distribution, si elle s'ouvrait à de nouveaux formats, pourrait à elle
seule en créer 300 000), d'accroître les compétences de 1 million
d'actifs et de former 1 million de jeunes très qualifiés. Pour ce faire,
on doit pouvoir renforcer les liens entre universités et entreprises
pour déterminer les profils dont on aura besoin dans dix ans et
améliorer en particulier l'information des étudiants sur les débouchés
des filières qu'ils choisissent. Car quel que soit le niveau de
formation, du CAP à bac +5, l'écart du taux de chômage entre les
filières qui embauchent et les autres est toujours le même : 13 points
(soit, par exemple, la différence entre 18% et 5%). Le dynamisme de la
filière importe donc autant, sinon davantage, que le niveau d'études.
(1) Beyond austerity : A path to economic growth and renewal in Europe,
McKinsey Global Institute (MGI), octobre 2010.
(2) Trading myths : Addressing misconceptions about trade, jobs, and
competitiveness, MGI, mai 2012.
(3) Industrie 2.0 - Cinq pistes pour permettre aux industriels français
de tirer parti de la mondialisation, McKinsey France, juillet 2012.
(4) L'Emploi en France : cinq priorités d'action d'ici 2020, MGI, mars
2012.
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